Quand j’ai su que ce documentaire sortait, j’ai tout de suite eu envie de le voir, d’autant que le pitch était sympa. L’auteur du documentaire, Alex Gibney, n’étant pas un nouveau venu dans le documentaire (il a obtenu un oscar en 2008 pour le documentaire « Un taxi pour l’enfer »), souhaitait suivre Armstrong lors de son retour en 2009 avec, en accord avec l’américain un accès total à son équipe, ses déplacements, notamment sur les courses. Il avait flairé le bon filon, la belle histoire, celle de l’american dream, une nouvelle fois. Le retour du fils prodigue en son royaume cycliste devait-il se dire comme il l’explique d’ailleurs en ses termes au début du reportage.
L’américain ayant été convaincu de dopage et ayant même avoué s’être dopé depuis, le documentaire, un moment mis en pause s’est alors transformé en une enquête sur le système Armstrong, d’où son titre, « Le mensonge Armstrong », enquête racontée par Armstrong lui-même, ses anciens coéquipiers et d’autres figures de l’affaire. On y découvre, comment pendant toutes ces années, Armstrong a réussi à tromper les instances anti-dopage et profiter de cela pour remporter ses 7 Tour de France, le tout sans langue de bois, en toute transparence.
Le documentaire est bien fait car il explore toutes les facettes du coureur, l’auteur essayant de comprendre pourquoi dopage il y a eu et surtout pourquoi celui-ci a été nié pendant si longtemps. Les grands moments de la carrière d’Armstrong sont montrés, sa maladie, sa reconstruction, tout cela entrecoupé d’interviews de ses anciens coéquipiers, le tout permettant de comprendre, aveux d’Armstrong à l’appui, comment toute l’équipe s’organisait pour se préparer, se doper et gagner les courses. On y découvre le système quasi-parfait mis en place par l’équipe américaine, dénuée de tout questionnement éthique visant simplement à être les meilleurs et à gagner coûte que coûte.
Le documentaire ayant comme fil conducteur le retour du texan, on suit également la saison 2009 du coureur, du Giro au Tour en passant par les entraînements où on le voit très sûr de lui. On comprend d’ailleurs petit à petit que sans l’élément perturbateur Contador dans l’équipe, il aurait peut-être pu remporter un 8ème Tour. Du moins, c’est ainsi que l’histoire semblait écrite dans l’équipe, tout le monde roulant pour lui, Contador étant vu comme l’ennemi à abattre et devant même se reléguer au rang d’équipier pour Armstrong. Une des images les plus cocasses du film est d’ailleurs la caméra embarquée dans la voiture de Johan Bruyneel lors des accélérations de Contador en montagne, Armstrong étant à la traîne dans le dur et l’espagnol n’ayant plus grand chose à prouver ayant eu l’ordre strict le matin de ne pas attaquer.
Après avoir vu ce documentaire, on peut tout à fait se poser la question de la véracité de certaines thèses complotistes concernant le contrôle positif de l’espagnol la saison suivante peu avant l’annonce officielle de la non reconduction de son contrat avec Astana.
Malgré les charges accablantes contre Armstrong, on découvre que derrière le côté marketing du retour, il y avait apparemment également la réelle envie chez l’américain à la fois de prouver qu’il pouvait gagner de manière propre mais également de mettre en avant son action contre le cancer. On le voit en effet plusieurs fois visitant des hôpitaux, donnant de l’espoir aux malades, expliquant visiblement en toute honnêteté qu’il était revenu pour ça, et non pas simplement pour gagner, ce qu’il semblait certain de faire.
Sur le dopage, puisque si on en croit Lance Armstrong c’est aussi pour cela qu’il avait souhaité revenir, pour prouver qu’il pouvait gagner clean, Michele Ferrari, le sulfureux médecin italien est longuement interviewé. Il s’épanche sur les coureurs, sa relation presque paternelle avec eux, leur profil et les préparations qu’il leur conseillait. On y apprend par exemple que même sans dopage, Armstrong était parmi les coureurs les plus puissants et impressionnants que le médecin ait vu dans sa carrière. Ferrari semble très détaché sur le sujet du dopage en souriant, mimant même quelqu’un fumant une cigarette, lorsqu’il évoque la facilité avec laquelle Armstrong a eu course gagnée lors son dernier Tour victorieux avant même la seule opération dopante reçue pendant la course, une transfusion sanguine à mi-course.
Durant un tout petit peu plus de 2h, ce documentaire raconte également tout au long du l’enquête le monde du vélo, le rôle des équipiers lorsqu’Armstrong explique ouvertement qu’il essaye d’isoler Contador dans l’équipe, exemple étant pris de l’étape de Montpellier lorsque l’espagnol s’était fait prendre dans une bordure, Armstrong ayant alors fait rouler des équipiers pour l’esseuler. Au sujet des équipiers encore, on suit notamment plusieurs fois un coureur de chez Astana (Popovych ?) équipé d’une caméra sur le vélo ce qui était strictement interdit par l’UCI à l’époque, sauf peut-être dérogation pour le film, les images en immersion dans la course étant sympas.
Bref, si comme moi vous suivez de près le vélo, vous n’apprendrez pas grand chose dans ce documentaire mais vous y verrez une très belle synthèse sur l’affaire Armstrong, ses ramifications et le réseau de l’américain et y découvrirez l’homme derrière le salaud. Pendant les 2h, vous découvrirez un coureur ayant visiblement envie d’avancer, de ne plus tricher quoique le réalisateur se pose la question (et nous avec) mais vous y découvrirez un monde qu’on ne souhaite plus voir dans le vélo, celui des magouilles, de la mafia même, salissant le beau sport que nous aimons tous.
Tel un exorcisme ou une catharsis d’une époque qu’on ne veut plus revivre, ce documentaire permet d’entrevoir un cyclisme propre et de croire en ce que nous voyons aujourd’hui en se rendant compte du chemin parcouru depuis et des changement aperçus depuis cette sombre époque.