Le « loser » gagne enfin
Cadel Evans vient enfin de remporter son premier Tour de France. Enfin car il l’attendait depuis longtemps. Souvent réduit à jourer les places d’honneur, il avait même été surnommé le « loser » du peloton tant sa malchance semblait le suivre d’année en année sur la grande boucle.
Cette année comme toujours, les suiveurs se demandaient en effet quand allait arriver son « jour sans », le coureur BMC, ayant en effet toujours eu un passage à vide sur ses Tours précédents.
La malchance le délaisse enfin
Heureusement pour lui, il n’en fut rien cette année, tout s’est déroulé parfaitement. On a cru lors de l’étape de l’Alpe d’Huez que son chat noir l’avait retrouvé lorsqu’il dut changer de roue, puis de vélo mais fort heureusement pour lui, il n’en fut rien.
Au top tout le Tour, il avait même remporté la dure étape de Mûr de Bretagne devant Contador alors encore bien à l’époque. Les frères Scheck avaient déjà parus un peu plus en retrait et certains avançaient même que cette maturité trop précoce sur le Tour, dès la première semaine, pourrait lui coûter une nouvelle fois la victoire. Plus tard en montagne, il a toujours suivi les meilleurs et est même parfois allé recherché lui-même les attaquants dans les Pyrénées.
Mais c’est dans les Alpes qu’il a forgé son succès, profitant de l’attaque de Contador dans le final à Gap, résistant à distance à Andy Schleck dans le Galibier en faisant toute la montée tout seul devant le groupe de poursuivants, personne ne pouvant ou ne voulant le relayer.
Le lendemain de même, en résistant aux attaques et en restant avec les meilleurs dans l’Alpe d’Huez, il contribua à maintenir son écart avec les Schleck stable jusqu’à sa victoire d’hier dans le contre la montre de Grenoble où, porté par l’enjeu et dans un jour énorme, il termina deuxième derrière Martin et relégua les frères Schleck derrière lui sur le podium.
Une équipe finalement assez bonne
C’était la question lors du départ du Tour, l’équipe BMC allait-elle être à la hauteur des ambitions de son leader ? Un peu comme la Saxo Bank de Contador qui s’est révélée être faible, on craignait que l’équipe américaine soit un peu limitée pour défendre Evans face aux frères Schleck. Il n’en fut rien, Evans avait une bonne équipe, peut-être pas la meilleure mais une équipe là pour lui quand il le fallait, on l’a souvent vu.
Dans le contre la montre par équipe, ses équipiers et lui avaient presque pu faire jeu égal avec l’équipe Garmin amenée spécialement pour cela sur le Tour. On avait alors compris que cette équipe n’était pas si faible qu’on voulait bien nous le laissait entendre.
Plus tard, dans la plaine, jamais Evans ne fut piégé dans une bordure ou ne chuta, toujours parfaitement protégé par Burghardt, Hincapie, Quinziato là pour le remonter à l’avant du peloton, l’empêcher de frotter ou encore lui récupérer ses imperméables lors des étapes de pluie. Une vraie garde rapprochée, ce qui manqua certainement à Contador souvent à l’arrière du peloton piégé ou retardé.
Alors certes, dès que la route s’élevait, rares étaient les équipiers à pouvoir le suivre. On a vu un peu Amael Moinard mais il faut avouer que sur les pentes raides des cols les plus durs, Evans a souvent dû tout faire lui-même. Il était très fort et frais, c’est aussi ce qui a joué dans sa victoire.
Un grand coureur révélé sur le tard
Au départ vététiste et vainqueur de la coupe du monde en 1998 et 1999, Cadel Evans a quitté le cross-country pour venir sur la route en 2001 chez Saeco.
Passé ensuite par les équipes Mapei, T-Mobile puis Lotto avant de rejoindre BMC en 2010, il a rapidement montré qu’il avait des prédispositions pour la montagne et les grands Tours même si les stratégies d’équipe lui ont rarement permis de les exploiter.
Avant 2010 et son titre mondial, Evans collectionnait en effet les places d’honneur dans les classiques ou les courses par étapes, arrivant souvent à gagner une étape ou un classement annexe comme celui de la montagne mais rarement il arrivait à défendre ses chances au classement général, la faute à des équipes autour de lui trop faibles ou dédiées à d’autres objectifs.
Souvent réduit au rôle de second leader chez Lotto, l’équipe belge jouant trop souvent la carte des sprints sur le Tour au lieu de protéger, Evans a finalement trouvé du soutien et la confiance dont il avait besoin pour s’imposer en signant en septembre 2009 chez BMC. Entre temps, il était devenu champion du monde, façon de montrer aux sceptiques qu’il n’était pas qu’un éterne second mais qu’il avait aussi les épaules et la classe pour gagner le Tour.
Un succès qui en amène d’autres ?
La question de la suite est posée pour Evans. Déjà âgé de 34 ans, il entame plutôt la fin que le début de sa carrière. Face aux frères Schleck ou à Contador tous trois sous les 30 ans, il pourrait montrer ces prochaines années des limites physiques face à ces jeunes coureurs.
Cependant, tous dans le peloton s’accordent pour souligner son professionnalisme dans la préparation et la vie de tous les jours, Evans semblant ne vivre que pour sa passion, réglant tout en fonction et étant donc très perfectionniste.
Vue sa progression en 2011 avec ses victoire à Tirreno-Adriatico, sur le Tour de Romandie, la seconde place au dauphiné et la victoire sur le Tour, on peut sans problème imaginer que 2012 devrait lui être favorable. S’il arrive à trouver un ou deux renforts de poids pour la montagne, il pourrait devenir vraiment très fort et faire de bien plus gros écarts que ceux de cette année avec ses concurrents.
Mais il faudra aussi faire avec un Contador probablement revanchard. Le madrilène devrait revenir mieux préparé, plus frais et certainement mieux entouré pour défendre ses chances sur le Tour 2012. Quant aux Schleck, ils devraient eux aussi mettre les bouchées doubles et tirer des leçons de leur échec de cette année et revenir plus fort encore en 2012.
En attendant, Cadel Evans est un beau vainqueur. Il a attendu ce succès de longues années, l’a obtenu de manière nette et sans bavure cette année. Il le mérite. Félicitations à ce coureur apprécié et respecté dans le peloton.